PSYPROPOS
Accueil et hospitalité : partager l’invention du quotidien
Alors que l’économie de marché ultra libérale s’est débarrassée de presque toutes les barrières douanières, nous assistons dans les relations humaines à des replis identitaires massifs derrière des frontières nationales restaurées à la hâte, pour stopper la progression de réfugiés jetés en famille sur les chemins de l’errance fuyant les guerres, la peur et la misère.
Ces enfants abandonnés à leur infortune au pied de barbelés frontaliers, nos enfants, quel monde pourront-ils construire demain avec les autres devenus hommes ? Entre accueil et rejet, hospitalité et hostilité, le sérieux et l’éthique (Kierkegaard) doivent prévaloir: « celui qui ne fait pas réponse ne perçoit pas la parole » disait Martin Buber, penseur universaliste du dialogue. A défaut, bien des situations de méfiance et de défiance envers autrui pourraient compromettre toute éthique de civilité.
Les conduites et modalités organisationnelles économiques et financières des échanges marchands ont de tous temps modalisé les rapports humains. L’accueil et l’hospitalité ne sont-ils pas aujourd’hui soupesés à l’aune des pertes et profits et de la balance bénéfices-risques des procès industriels qui gèrent les ressources humaines ?
La conception même de l’humain est touchée par ce mimétisme objectivant lorsque la production d’un enfant conforme au désir des adultes peut leur être de plus en plus garantie par la science, faisant craindre à certains un eugénisme radical. A l’école, son comportement devra être adapté, docile, son désir cadré, sa future employabilité dépendra de sa capacité à se vendre dans la concurrence qui l’oppose déjà à « l’autre ».
La maitrise du vouloir et le vouloir maitriser tendent à réduire la tolérance aux manifestations d’un écart, d’une altération face à un idéal imaginaire épuré qui est proposé, vendu, comme matériellement réalisable par les entrepreneurs et les décideurs.
Le débat fait rage entre uniformisation identitaire et altérité. La xénophobie se manifeste quand les diverses hypothèses de civilisation voudraient imposer leur modèle comme idéal. La phobie se saisit de l’altérité pour la projeter hors de soi alors qu’elle est constitutive de la singularité de chacun. «Le désir de l’homme, c’est le désir de l’Autre» disait Lacan en appui sur Hegel. Le même et l’autre se dialectisent en chaque humain dans une auto production qui est une auto création en croissance. H.G. Gadamer souligne l’étymologie commune de créer et croître.
Accueil et hospitalité sont le site de cette croissance qui n’est rien d’autre que le processus d’humanisation de chaque homme au contact d’autres hommes. Entre identification («J’ai hâte de me voir semblable à l’autre, faute de quoi pourrais-je être» Lacan), disparité subjective et émergence du singulier, se déploie l’existence humaine, elle a son site dans «l’événement avènement qui ouvre le monde», nous propose Henri Maldiney. Roland Barthes disait l’importance de veiller à «Humaniser les relations humaines».
Au cours des Journées de l’année 2016, Psypropos abordera ces questions sociales, sociétales et microsociales. De quelle façon chacun peut-il dans son exercice statutaire demeurer en prise sur la nécessité éthique d’une «invention du quotidien» (Michel de Certeau)? Ne s’agit-il pas d’inscrire du nouveau dans le cheminement partagé avec les autres? C’est la question de base, que chacun exerce son humanité dans les champs de la justice, la pédagogie, la santé, l’éducation, le travail, l’art ou la culture.
Ce partage créatif de l’invention du quotidien doit être recherché en toutes circonstances pour que le sens de l’existence se manifeste dans le vécu personnel de chacun et que la discorde (Pindare) ou la «culpabilité objective» (Freud) ne déclenchent pas la destrudo dans son vacarme, ou tragiquement à notre insu, à bas bruit.
À l’auditorium de la bibliothèque Abbé Grégoire
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